Pourquoi continuer à priver les jeunes Tchadiens des réseaux sociaux?

La présidentielle tchadienne s'est déroulée du 9 au 10 avril 2016 dans des conditions très contestées par l'opposition qui semble impuissante face aux moyens de l'État et au déploiement de l'armée, de la gendarmerie et de la police. 
Le président Déby a été réélu pour un cinquième mandat. 
On attend plus que son investiture le 8 août prochain. 
Mais pourquoi les réseaux sociaux (Facebook, Whatsap etc) ainsi que des sites Internet restent censurés avant, pendant et après la victoire du président Déby? Il n'y a pourtant pas péril en la demeure. Après la victoire, la censure a été levée puis rétablie. 
L'opposition qui avait appelé à une ''journée ville morte'' au lendemain de la confirmation de la victoire du président par le Conseil constitutionnel n'avait pas été entendue, certains Tchadiens se disant avoir d'autres chats à fouetter. Mais alors, qu'est-ce qui explique bien cette censure qui pèse sur les réseaux sociaux? Les pertes sont de plusieurs ordres pourtant. 
D'abord, le Tchad, avec un piètre service d'Internet n'a son salut qu'aux téléphonies mobiles, notamment les deux géants que sont Airtel et Tigo qui permettent au Tchadien se trouvant au fin fond du village de se connecter à Internet, le gigantesque projet de fibre optique qui proviendrait des profondeurs de l'Océan Atlantique à partir de Douala au Cameroun pour arroser tout le Tchad en connexion haut débit, pouvant permettre par exemple la télé-médecine ayant connu un échec cuisant. Et la majorité des jeunes tchadiens, actifs sur Facebook le font à travers leur téléphone portable. Ordonner à Tigo et Airtel de couper Facebook, Twitter, Whatsap etc. constitue un manque à gagner énorme pour ces multinationales qui ne vivent que de bénéfices que génère leur activité. Pénaliser les citoyens en coupant les réseaux sociaux, c'est aussi pénaliser ces sociétés, du moins économiquement. Et l'État qui prélève des sommes importantes sur les appels, SMS, Internet etc. avec ces compagnies se pénalise lui-même en voulant mettre son peuple sous embargo. 

La question, il faut continuer à se la poser: pourquoi le gouvernement n'ordonne pas encore, en cette date du 8 juin 2016 la levée de la censure, qu'il a imposée dans la foulée de la présidentielle du 10 avril 2016, aux Tchadiens? 
L'ultime raison pour laquelle je m'étonne que le pouvoir soumette la population à cette brimade est que le président tchadien est également président en exercice de l'Union Africaine. Quel modèle on présente pour les autres peuples libres d'Afrique et du monde en termes de libertés d'expression, de mouvement, d'associations, lorsque, dans le pays du président de l'UA en question, les restrictions à la liberté sont les normes les plus respectées? Est-il nécessaire de rappeler au président Idriss Déby sa célèbre phrase prononcée à la chute du président Hissène Habré en décembre 1990: je ne vous apporte ni or, ni argent, mais la liberté? Cette liberté, inclut en mon sens la liberté d'accéder aussi aux réseaux sociaux, Facebook, Twitter, Instagram, Google+, Souncloud et que sais-je encore? 
Etouffer la liberté est un jeu dangereux et un exercice pénible dans une démocratie. 
Ceux qui présentent les 8 années du règne de Hissène Habré comme la pire dictature que le Tchad ait connue se doivent de donner le meilleur exemple au monde en ne portant atteinte à la liberté, sous aucune forme possible. Le président Déby, président en exercice de l'Union Africaine, doit donner le meilleur exemple de liberté de presse, d'opinion, d'association, de mouvement, de religion dans son pays. C'est à Déby de demander, en tant que président de l'UA, aux Chefs d'Etat comme Denis Sassou Nguesso de ne pas couper les réseaux sociaux et non à Déby d'imiter Sassou Nguesso en coupant lui-même les réseaux sociaux. Et dire qu'ici, on fait pire que Sassou, puisqu'au Congo, ces réseaux sociaux ont été rétablis au lendemain de la victoire du président, le temps d'une élection donc, juste le temps que le peuple digère sa colère. 

Permettre aux gens de s'exprimer au fur et à mesure, c'est percer la plaie pour faire couler la pue et se libérer de la douleur. Étouffer la liberté, la condenser, la concentrer dans le cœur des hommes, le jour où elle éclate, elle fera certainement beaucoup de dégâts, ce que personne n'aurait souhaité. 

Monsieur le président, vous avez déjà gagné les élections, c'est évident que vous resterez président du Tchad pour les 5 prochaines années, mais cette longue suspension des réseaux sociaux ternit votre image comme président du Tchad et président de l'Union africaine. Vous pouvez encore y remédier simplement en demandant qu'on libère les réseaux sociaux et très rapidement. Ceci n'est pas un ordre, mais une aspiration à la pleine et totale liberté dans une démocratie, telle que vous la prônez et telle que le peuple la souhaite.

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