COLÈRE DE BOMA: L'ANALYSE D'ABDELKERIM YACOUB K.
........Avec #TCHAD_BALADIA.......
Tchad Baladia : Idriss Deby est-il
aujourd'hui un homme seul, isolé, abonné ?
Abdelkerim Yacoub Koundougoumi : Idriss
Deby n’existe que quand il y a des crises, conflits et des guerres, qu’il soit
sur la scène nationale ou internationale. Ayant perdu la confiance du peuple
tchadien, il s’est accroché à la lutte contre le terrorisme et les enjeux
sécuritaires dans le sahel pour légitimer son régime, et le pouvoir qu’ il
confisque depuis 30 ans en tenant le peuple en joue.
Isolé et abandonné sur le plan
international parce que la priorité de la communauté internationale sont la
pandémie et la crise économique. Les Nations Unies, Antonio Guteress en tête,
ont appelé a un cessez le feu immédiat sur toute la planète et appelé tous les
Etats et institutions à concentrer leurs efforts sur la prévention et la
protection de la population mondiale contre le coronavirus. La lutte contre le
terrorisme dont Idriss Deby a son fond de commerce n’est plus la première
priorité de la communauté internationale en ce moment. Aujourd’hui d’un point
de vue médiatique, on parle beaucoup plus de la pandémie du coronavirus que des
attaques terroristes.
Sur la scène nationale, il se retrouve
seul, parce qu’il a toujours été seul. Il n’est plus dépositaire de la
souveraineté populaire. Cette solitude est révélatrice du vide qu’il a créé
autour de lui dans sa volonté de s’éterniser au pouvoir par la violence et au
mépris de la volonté du peuple et de ses institutions.
Tchad Baladia : L'opinion semble divisée et
le soutien souhaité par le président tarde à se manifester. Quelle est votre
analyse ?
Abdelkerim Yacoub Koundougoumi : Rester
neutre dans cette guerre contre la Secte Boko Haram, c’est tomber dans le piège
de la secte terroriste qui essaie dans sa nouvelle stratégie de désolidariser
la population de l’armée tchadienne.
Le peuple veut faire bloc et soutenir son
armée dans cette lutte contre le terrorisme mais celui qui aujourd’hui est a la
tète de l armée n’est pas la bonne personne. Idriss Deby profite de cette
situation pour accroitre son pouvoir et se maintenir au pouvoir en alimentant
l’économie de guerre alors qu’il faudrait soutenir l’économie locale et la
société civile en première ligne dans le combat contre le terrorisme.
Ce qui est intéressant dans cette situation
complexe, c’est le message que le peuple envoie aux soldats, sous officiers et
officiers de l’armée. C’est celui, par cette compassion, leur faire prendre
conscience qu ils ne gagneront pas la guerre contre le terrorisme sans ce
peuple, et qu’il est temps qu’ils prennent leur responsabilité vis-à-vis de ce
peuple en se mettant au service du peuple et non d’ un individu ou d’ une
famille.
Tchad Baladia : Pourquoi à Mboma Boko Haram
a porté un coup dur à l'armée ?
Abdelkerim Yacoub Koundougoumi : Ce coup
dur peut s’expliquer par la conjonction de deux facteurs majeurs qui sont le
changement de stratégie des terroristes de Boko Haram et le malaise grandissant
au sein de l’armée, résultante de sa gestion féodale et chaotique par Idriss
Deby et ses enfants.
La nébuleuse terroriste Boko Haram a changé
de stratégie, ca fait une dizaine d’années qu’ils ont commencé leurs méfaits,
il y a une inflexion depuis deux ans. En 2015, les terroristes attaquaient les
marchés , les lieux publics en ciblant la population civile. Ces derniers
temps, nous constatons que les terroristes dans le Sahel, qu’il soit au Tchad
Mali, Niger, Nigeria ou Burkina, s’attaquent massivement aux institutions de
sécurités étatiques comme l'armée et la police (les camps, les bases militaire
et les commissariats de police…) dans l’espoir de déstabiliser les Etats.
L’Attaque des camps de BOHOMA dans le Lac Tchad s’inscrit dans cette stratégie,
mener des attaques massives et spectaculaire et suicidaires contre l’armée tout
en continuant des exactions sur les civiles dans l’espoir de couper le soutien
de la population à l’armée et la police.
Le malaise au sein de l’armée est grande et
sans précédent. Les mutineries au sein des contingents tchadiens projetés sur
le front de la lutte contre le terrorisme dans la région du Bassin du lac Tchad
et le sahel et leur répression brutale et violente met en évidence les failles
et la désorganisation totale dans les chaines de commandements dans toute la
structure de l’armée. Deby, sa famille et sa garde républicaine ont pris en
otage l’armée nationale.
Tchad Baladia : La réaction d'Idriss Deby
de déclarer une guerre totale à Boko-Haram par air, terre et mer est-elle
justifiée ?
Abdelkerim Yacoub Koundougoumi :
Effectivement on ne pourra pas se passer d’une réponse militaire d’envergure à
cette crise, elle est nécessaire pour assurer la sécurité nationale, mais elle
n’est efficace que si elle est coordonnée et régionale. Ce n’est pas simplement
Idriss Deby seul qui va être le sauveur de cette situation. Il impératif
d’organiser une réponse coordonnée avec les pays du champ. Mais aussi
d'articuler cette réponse militaire avec une politique de soutien à l'économie
locale et d'accompagnement des déçus de Boko Haram. Il faut assécher cette
organisation en offrant d'autres perspectives aux populations des quatre pays (
Tchad, Nigeria, Cameroun et Niger) qui vivent dans le bassin du lac et aux
réfugiés.
Tchad Baladia : Quels sont les risques pour
les soldats Tchadiens ? Pourquoi Barkhane ne manifeste pas son soutien à son
allié Deby ?
Abdelkerim Yacoub Koundougoumi : Le plus
grand risque pour les soldats tchadiens c’est de s’embourber dans une guerre
sans fin, sans stratégie de sortie de crise autre que militaire.
Quant à l’inertie de la force Barkhane, c’est étonnant, d'autant plus que la raison de leur présence dans le sahel est le renforcement de capacité et le soutien aux armées de la sous région engagées dans la lutte contre le terrorisme. Peut être à cause du coronavirus (rire).
Quant à l’inertie de la force Barkhane, c’est étonnant, d'autant plus que la raison de leur présence dans le sahel est le renforcement de capacité et le soutien aux armées de la sous région engagées dans la lutte contre le terrorisme. Peut être à cause du coronavirus (rire).
Tchad Baladia : Aucun, pays voisin n’a
suivi le Tchad qui s’est engagé dans une aventure solitaire. Quelle en est
l’explication ? Combien de temps va durer l'offensive militaire tchadienne ?
Abdelkerim Yacoub Koundougoumi : Tous les
pays voisins sont mobilisés dans la lutte contre le coronavirus et la
précipitation dans laquelle les choses sont faites, n’ont surement pas permis
une réaction de solidarité immédiate à la hauteur de la gravité des événements.
Tchad Baladia : Quel serait le coup humain
et économique (de la colère de Mboma) pour le Tchad ?
Abdelkerim Yacoub Koundougoumi : Cette
opération fera accentuer ce que Boko Haram a déjà provoqué, c’est à dire le
déplacement de la population, l’arrêt de l’économie régionale. Le coup
économique de l’opération conçu dans la précipitation sera significatif et
entamera sérieusement la situation financière de notre pays déjà mise à rude
épreuve par la conjoncture actuelle et la mal gouvernance structurelle.
Le placement de la région en état d’urgence
et zone de guerre et les restrictions des libertés par un régime militaire,
autoritaire et violent font craindre le pire pour la population civile qui se
trouve prise entre deux feux. Les organisations des défenses des droits humains
doivent rester vigilantes.
Sur le plan politique Il va surtout profiter de cette guerre pour repousser les élections et justifier la faillite économique du Tchad.
Sur le plan politique Il va surtout profiter de cette guerre pour repousser les élections et justifier la faillite économique du Tchad.
Tchad Baladia : La nouvelle guerre contre
Boko-Haram ne risque-t-elle pas de détourner l'attention de l'opinion de la
pandémie du Coronavirus ?
Abdelkerim Yacoub Koundougoumi :
Malheureusement oui, pendant que la planète entière est mobilisée pour lutter
contre la pandémie du coronavirus, qui tue des milliers de personnes à travers
le monde, il est irresponsable de se précipiter dans une opération militaire,
sans alliés et animé uniquement par la quête de sa gloire et sa grandeur
personnelle.
Tchad Baladia : Quel commentaire vous
inspire les images d'Idriss Deby en treillis sur le front de l'Ouest ? Et la
position de l'opinion publique ?
Abdelkerim Yacoub Koundougoumi : Par cette
mise en scène, le despote Idriss Deby vient de montrer une fois de plus qu’il
est un chef de guerre et non un chef politique ou un homme d’Etat. En faisant
de cette guerre une affaire personnelle, Il est tombé dans une réaction de
vengeance moyenâgeuse dans son désir de laver son honneur que cette défaite a
bafoué au lieu de réfléchir à l'intérêt du pays dans une stratégie qui serait
globale pour combattre Boko Haram.
On voit surtout un militaire en fin de
carrière qui a été incapable après 30 ans de pouvoir de bâtir une armée
républicaine, digne et former des officiers capables de reprendre la relève. Il
n'a pas été capable d'accepter le jeu des institutions civiles en quittant son
costume de militaire.
L’opinion publique, ne se laissera pas
impressionnée par cette propagande, montée de toute pièce par les thuriféraires
du régime pour tenter de gagner l’estime d’ un peuple qui les exècre.
C’est complètement anachronique, le fait
d'aller mettre son campement à Bagasola alors qu’il devait être auprès des
institutions pour planifier les réponses aux crises actuelles.
Nous avons besoin des institutions fortes et non des hommes forts !
Nous avons besoin des institutions fortes et non des hommes forts !
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